Project Gutenberg's Le Heros de Chateauguay, by Laurent-Olivier David

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Title: Le Heros de Chateauguay

Author: Laurent-Olivier David

Release Date: August 3, 2004 [EBook #13096]

Language: French

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[Illustration: LA BATAILLE DE CHATEAUGUAY.]

LE HEROS DE CHATEAUGUAY


PAR L. O. DAVID
1883




C.-M. DE SALABERRY.


La plus populaire de nos gloires militaires.

Une belle et imposante figure taillee dans le marbre; les traits
reguliers, fierement dessines; le front hardi, agressif; un teint riche,
rose et blanc; des yeux brillants, limpides, petillants de verve,--des
rayons de soleil dans un ciel bleu;--des epaules larges, solides comme
des bastions; une poitrine ou les boulets, il semble, devaient rebondir;
un bras qui frappait comme Charles Martel ou Richard Coeur-de-Lion; des
muscles forts et souples comme l'acier; un magnifique ensemble de force,
de distinction, de vigueur et de beaute, une puissante organisation
debordant de vie et de seve.

Un coeur de lion, une intrepidite a tout oser, a tout braver. Type
accompli de ces preux chevaliers qui, de la pointe de leur epee, ont
ecrit l'histoire de France. Au temps des croisades, il aurait monte a
l'assaut de Jerusalem a cote de Godefroy de Bouillon; plus tard, il eut
ete l'emule des Gaston, des Bayard et des Duguesclin.

Si le Canada eut appartenu a la France, en mil huit cent, il eut
peut-etre conquis le baton de marechal en se battant comme Lannes et
Massena. Dans la guerre d'Afrique, guerre de surprises, d'embuscades et
de glorieuses aventures, il eut ete a cote de Lamoriciere sur les murs
de Constantine, et eut couvert sa vaillante epee de gloire depuis la
pointe jusqu'au pommeau.

Vif, brusque, impetueux, toujours pret a venger une injure d'un coup de
poing ou d'un coup de sabre.

Le baron de Rottenburg l'appelait, dans ses lettres: "Mon cher marquis
de la poudre a canon."

Bon, cependant, genereux et affectueux, n'attaquant jamais le premier,
et pardonnant facilement, une fois l'explosion faite.

Nature de soldat, pleine d'elan et de vivacite aimant autant a chanter,
rire et danse qu'a se battre, aussi vaillant a la table que sur le champ
de bataille.

Severe en fait de discipline, et ne menageant point les jurons et les
punitions a ses voltigeurs qui chantaient;

  C'est notre major
  Qu'a le diable au corps,
  Qui nous don'ra la mort
  Va pas de loup ni tigre
  Qui soit si rustique;
  Sous la rondeur du ciel
  Y'a pas son pareil.

Aime pourtant, de ses officiers et soldats a cause de son impartialite.

Tel est le portrait du lieutenant-colonel de Salaberry, cet illustre
guerrier dont les Canadiens-Francais ont raison d'etre fiers.

Apres avoir loue le merite et le talent de ceux qui, depuis la conquete,
ont soutenu l'honneur et les droits de leurs compatriotes par la
plume et la parole, il est juste que je rende hommage a celui dont la
vaillante epee a su nous faire craindre et respecter.

Le heros de Chateauguay avait recu en heritage des traditions
glorieuses.

La famille d'Irumberry de Salaberry, originaire du pays de Basque, dans
le royaume de Navarre, avait conquis ses titres de noblesse sur les
champs de bataille. L'un des ancetres de notre heros etait au combat
de Coutras, ou il frappa dru et fort. Henri de Navarre, depuis roi de
France sous le nom d'Henri IV, apercut le terrible chevalier au moment
ou, apres avoir terrasse de nombreux et vaillants adversaires, il
accordait la vie a un gendarme qu'il venait de blesser.--"_Force a
superbe! merci a faible_, lui cria le galant Bearnais, c'est ta devise."

Noble devise! que les de Salaberry ont raison de porter avec orgueil sur
leur ecusson, car ils y ont toujours ete fideles et l'ont illustree par
maintes actions eclatantes.

Le grand-pere, Michel de Salaberry, vint en Canada dans l'annee mil sept
cent trente-cinq, en qualite de capitaine de fregate.

Il avait une grande reputation de force et de bravoure. Il epousa, en
mil sept cent cinquante, mademoiselle Juchereau Duchesnay, fille
du seigneur de Beauport. Il prit part aux luttes heroiques qui se
terminerent par la cession du Canada a l'Angleterre.

Le pere, Louis-Ignace de Salaberry, fut remarquable par ses vertus, son
intelligence, sa haute et belle taille, la franchise de son caractere et
cette force corporelle qui se transmet dans la famille de pere en fils.
Il combattit vaillamment dans les rangs de l'armee anglaise en mil sept
cent soixante et seize, et recut trois blessures serieuses dans le cours
de la guerre. Le gouvernement anglais le recompensa de ses services en
lui accordant une demi-pension et plusieurs charges.

Mais la reconnaissance qu'il devait au duc de Kent et au roi
d'Angleterre ne purent jamais lui faire trahir les droits de ses
compatriotes. Lorsque Craig voulut, en mil huit cent-neuf, unir les deux
Canadas dans le but de mettre les Canadiens-Francais sous l'empire
d'une minorite anglaise, il fut un de ceux qui s'opposerent la plus
energiquement a ce projet. Et lorsque le gouverneur le menaca de lui
enlever ses moyens d'existence s'il ne se rendait pas a ses desirs, il
lui fit cette belle reponse:--"Vous pouvez, Sir James, m'enlever mon
pain et celui de ma famille mais mon honneur...... jamais!"

Devenu seigneur de Beauport, son manoir fut pendant vingt ans l'aimable
rendez-vous ou gentilshommes francais et anglais, reunis par la
conquete, apprirent a s'estimer apres s'etre battus; les plus hauts
personnages d'Angleterre y trouvaient une hospitalite pleine de charme
et de distinction. Le noble seigneur avait epouse, en mil sept cent
soixante et dix-huit, la belle et distinguee demoiselle Hertel, et de ce
mariage etaient nes sept enfants, tous beaux et bien faits, trois filles
et quatre garcons, dont l'aine fut le heros de Chateauguay.

Les Canadiens-Francais etaient fiers de l'eclat qui environnait cette
belle et bonne famille et des hommages qu'elle recevait de leurs fiers
conquerants.

De toutes les sympathies qui l'honorerent, la plus illustre et la plus
bienveillante fut sans doute, celle du duc de Kent, pere de notre
Souveraine, la reine Victoria.

On sait que ce prince vint en Canada en mil sept cent quatre-vingt-onze,
a la tete de son regiment, et qu'il fut, pendant son sejour au milieu de
nous, l'idole de la population. C'etait un bon prince, aussi, que le duc
de Kent, genereux, affable et loyal, aussi noble par le coeur que par
la naissance. Il n'eut pas mis le pied, une fois, dans le manoir de
Beauport qu'il fut epris d'admiration et d'amitie pour ses aimables
hotes. Les heures les plus agreables de sa vie etaient celles qu'il
passait au sein de cette famille, dont il fut toujours l'ami fidele et
le protecteur puissant. Une correspondance de vingt-trois ans, depuis
mil sept cent quatre-vingt-onze a mil huit cent-quatorze, demontre
toute la profondeur et la sincerite de cette honorable amitie qui se
manifeste, a chaque ligne, par les sentiments les plus delicats, les
epanchements les plus gracieux.

C'est par son influence que les quatre fils du seigneur de Salaberry,
Michel, Maurice, Louis et Edouard, son filleul, purent satisfaire leurs
inclinations militaires en entrant dans l'armee anglaise, ou ils se
firent tous en peu d'annees, a la pointe de leur epee, une belle
position.

De ces quatre freres si beaux, si vaillants, qui faisaient l'orgueil de
leur famille, de leur protecteur et de leurs compatriotes, il ne
resta bientot que l'aine. Les trois autres moururent au service de
l'Angleterre, de mil huit cent-neuf a mil huit cent-douze, a quelques
mois d'intervalle. Maurice et Louis perirent de la fievre sous ce ciel
empeste des Indes dont la conquete et la conservation ont coute a
l'Angleterre des flots de sang.

Le plus jeune, Edouard, fut tue a la tete de sa compagnie sous les murs
de Badajoz; il n'avait que dix-neuf ans. Quelques heures avant l'assaut,
sous l'empire d'un noir pressentiment, il avait ecrit une lettre a son
protecteur le duc de Kent, pour le remercier de toutes les bontes qu'il
avait eues pour sa famille et pour lui.

Ils etaient tous trois lieutenants, aimes de leurs chefs et de leurs
compagnons d'armes pour leur bravoure, leurs talents et la bonte de leur
caractere.

Une humble tombe fut elevee en l'honneur de Maurice par les officiers et
soldats de son regiment pres de l'endroit ou il avait ete tue.

Puisse le temps respecter cette glorieuse tombe! afin que partout il y
ait des temoignages eclatants de la loyaute et de la bravoure du peuple
canadien.

La tradition parle des sympathies que la famille de Salaberry trouva
dans sa douleur; ce fut un deuil universel.

Le duc de Kent ne fut pas le moins affecte; il manifesta son chagrin
dans des lettres touchantes ou il parle du sort de ces pauvres enfants
avec une tendresse toute paternelle.

Pendant ce temps-la, l'aine des de Salaberry faisait vaillamment son
chemin dans l'annee anglaise a travers les balles et les boulets; la
mort craignait de briser une si belle destinee. Soldat a quatorze ans,
il partait, a seize, pour les Indes Occidentales, en qualite d'enseigne,
devenait rapidement lieutenant et capitaine, grace a la protection
incessante du duc et a l'admiration que sa belle conduite inspirait dans
l'armee.

On etait fier, au pays, lorsque l'echo y apportait la nouvelle des
succes et de la gloire du jeune Canadien. On applaudissait, lorsque la
rumeur apprenait comment il savait soutenir l'honneur de sa famille et
de sa patrie. Il avait montre, en arrivant aux Indes, que, malgre sa
jeunesse, il ne se laisserait pas insulter impunement. Voici comment M.
de Gaspe raconte ce fait:

"Les officiers du soixantieme regiment, dans lequel Salaberry etait
lieutenant, appartenaient a differentes nationalites. Il y avait
des Anglais, des Prussiens, des Suisses, des hanovriens et deux
Canadiens-Francais, les lieutenants de Salaberry et Des Rivieres.
C'etait chose assez difficile de maintenir la paix parmi eux; les
Allemands surtout etaient portes a la querelle; excellents duellistes,
ils etaient de dangereux antagonistes. Un matin, Salaberry etait a
dejeuner avec quelques-uns de ses freres d'armes, quand entre l'un
des Allemands qui le regarde et lui dit d'un air de Mepris:--Je viens
justement d'expedier un Canadien-Francais dans l'autre monde,--faisant
par la allusion a Des Rivieres qu'il venait de tuer en duel."

"Salaberry bondit sur son siege; mais, reprenant son sang-froid, il
dit:--Nous allons finir le dejeuner, et alors vous aurez le plaisir d'en
expedier un autre."

"Ils se battirent, comme c'etait alors la coutume, a l'arme blanche.
Tous deux firent preuve d'une grande adresse, et le combat fut long et
obstine. Salaberry etait tres jeune.; son adversaire, plus age, etait un
rude champion. Le premier recut une blessure au front dont la cicatrice
ne s'est jamais effacee. Comme il saignait abondamment et que le sang
lui interceptait la vue, ses amis voulurent faire cesser lu combat; mais
il refusa. S'etant attache un mouchoir autour de la tete, le combat
recommenca avec encore plus d'acharnement, A la fin, son adversaire
tomba mortellement blesse, et la plupart dirent qu'il n'avait eu que ce
qu'il meritait."

Ce duel mit pour toujours de Salaberry a l'abri des insultes; il avait
fait ses preuves.

La guerre des Indes se faisait alors entre l'Angleterre et la France; la
possession de la Martinique et de la Guadeloupe devait etre le prix de
la victoire. Il devait en couter ou jeune de Salaberry, si francais par
l'origine et le caractere, de se battre contre la France; il devait lui
repugner de combattre le drapeau pour lequel ses ancetres avaient verse
leur sang. Mais la loyaute etait pour lui un devoir et la carriere
militaire une vocation.

La lutte fut vive, les batailles acharnees, les dangers continuels; les
maladies devoraient ceux que les balles epargnaient.

Il vint un jour ou de son regiment il ne resta plus que deux cents
hommes. Il apprenait cela a son pere dans une lettre ou parlant des
milliers d'hommes qu'il avait vus tomber autour de lui, il ajoutait: "Je
crois que je serai aussi heureux que mon grand-pere."

Lorsque le general Prescott se decida a abandonner la derniere place
forte de la Guadeloupe, le fort Mathilde, c'est a de Salaberry, alors
age de seize ou dix-sept ans, qu'il confia le soin de proteger la
retraite de l'annee. Le jeune lieutenant se montra digne de la confiance
de son chef. Il etait fait capitaine peu de temps apres.

En mil huit cent-huit, on le trouve en Irlande, major de brigade, et
faisant la cour a une blonde et belle jeune fille qui aurait enchaine le
jeune officier pour la vie sans l'intervention du duc de Kent. Celui-ci
ecrivit a son protege une longue lettre pour lui demontrer que chez les
militaires le coeur doit ceder a la raison, lorsqu'ils n'ont pas de
fortune.

En mil huit cent-neuf, il prenait part a la malheureuse expedition de
Wolcheren, qui couta cher et rapporta peu de gloire A l'Angleterre.

L'annee suivante, il devenait aide-de-camp du general de Rottenburg et
partait pour le Canada, ou des parents et amis devoues l'accueillirent
avec des transports de joie.

Les Canadiens-Francais se montraient avec enthousiasme le jeune
officier, qui, parti enfant de son pays, revenait plein de force, dans
tout l'eclat de la gloire et de la beaute.

On etait alors aux mauvais jours de Craig, epoque de fanatisme et de
persecution, mais epoque aussi de grandeur morale et nationale. La lutte
devenait difficile; l'energie des Bedard et des Papineau n'en pouvait
plus.

Mais bientot un cri d'alarme retentit partout; les Etats-Unis venaient
de declarer la guerre a l'Angleterre et se preparaient a envahir le
Canada. On comprit, en face du danger, la necessite de se gagner les
sympathies de la population; on lui fit force caresses et concessions.
Et pour exciter son enthousiasme et lui faire prendre les armes, on
nomma Charles-Michel de Salaberry lieutenant-colonel, et on lui confia
la mission d'organiser les voltigeurs canadiens.

Les Canadiens-Francais repondirent a l'appel de l'Angleterre et
s'enrolerent sous le drapeau de leur jeune chef.

Il etait temps, les Americains traversaient la frontiere, au mois de
juin mil huit cent-douze, a trois endroits differents.

Pendant que Brock et Sheaffe repoussaient les deux armees de l'ouest et
du centre dans des combats glorieux, le general Dearborn marchait
sur Montreal avec dix mille hommes, par le chemin de Saint-Jean et
d'Odeltown. De Salaberry courut a sa rencontre, a la tete de quatre
cents voltigeurs, et n'eut pas meme besoin des milices du district
de Montreal, qui s'avancaient a la hate sous les ordres du colonel
Deschambault. Ayant trouve l'ennemi campe sur la rive droite du la
riviere Lacolle, il resolut de le deloger. La rapidite de ses mouvements
et l'initelligence avec laquelle il avait prepare ses travaux de defense
deconcerterent le general americain, qui repassa la frontiere apres une
attaque malheureuse ou quatorze cents de ses hommes furent mis en fuite
par un avant-poste compose d'une poignee de voltigeurs.

La campagne de mil huit cent-douze etait finie.

Sir George Prevost felicita le lieutenant-colonel de Salaberry de son
succes, dans un ordre general, et rendit hommage a la loyaute et au
courage de la milice. Les Canadiens-Francais durent etre surpris;
c'etait la premiere fois qu'ils s'entendaient dire des choses agreables
par les representants de la couronne anglaise.

La campagne de mil huit cent-treize fut plus serieuse; les Americains,
honteux de leur echec, s'etaient prepares a frapper un grand coup sur
Montreal, qu'ils consideraient comme la clef du pays. La defaite
de Proctor, en Haut-Canada, par le general Harrison, exalta leur
enthousiasme et jeta avec raison le Bas-Canada dans l'effroi.

La situation devenait critique.

Deux armees, fortes chacune de sept a huit mille hommes, marchaient sur
Montreal, l'une, sous les ordres de Hampton, par le lac Champlain, et
l'autre, commandee par Dearborn et Wilkinson, descendait de Kingston.
A ces dix-sept mille hommes le Bas-Canada ne pouvait opposer que trois
mille soldats et miliciens.

La lutte parut un instant impossible.

Il fallait un homme assez habile pour empecher la jonction des deux
armees americaines et capable de suppleer au nombre par la prudence et
la valeur, d'accomplir un prodige, s'il le fallait. La patrie en danger
avait besoin enfin d'un sauveur, d'un heros, elle le trouva:--c'etait le
lieutenant-colonel de Salaberry. Il accourt, prend le devant avec
quatre cents voltigeurs, rencontre Hampton, culbute ses avant-postes a
Odeltown. et le poursuit jusqu'a Four-Corners, tombe sur lui avec une
poignee d'hommes et le remplit de terreur.

Apres plusieurs jours de marches et de contre-marches, Hampton
reprenait, le vingt et un octobre, sa course en avant sur les bords de
la riviere Chateauguay, que de Salaberry immortalisait, le vingt-six,
par une victoire a jamais memorable.

Inutile de donner des details de cette bataille si souvent racontee et
celebree par l'histoire, l'eloquence et la poesie. Qui n'a senti
battre son coeur au recit de cette lutte glorieuse ou trois cents
Canadiens-Francais defirent sept mille Americains? Qui ne sait que tout
l'honneur de cette victoire appartient au brave colonel de Salaberry,
que le succes de nos armes en ce jour celebre fut le resultat de
l'habilete avec laquelle il sut disposer ses forces et fortifier sa
position, et de la bravoure qu'il deploya pendant la bataille? Avec quel
enthousiasme les derniers survivants de la poignee de braves qui partage
avec lui l'honneur de ce triomphe, racontent les faits eclatants de leur
heroique colonel!

Ils le representent, avant la bataille, cherchant, exploitant toutes les
ressources que le terrain, la riviere et la foret pouvaient lui offrir,
faisant de chaque arbre, de chaque pierre un retranchement, un abri
pour ses troupes, frappant du pied la terre pour en faire jaillir des
elements de victoire. Et lorsque la bataille est commencee, ils le
montrent entrainant ses braves voltigeurs a sa suite; dominant le bruit
de la bataille des eclats de sa voix present sur tous les points a
la fois; multipliant le nombre de ses soldats par la rapidite et la
precision de ses mouvements; dispersant un instant ses forces et les
ralliant soudain pour tomber sur un point ou on ne l'attendait pas;
faisant, faire un bruit de trompettes et pousser des cris effrayants;
employant mille ruses pour etourdir, surprendre l'ennemi, et lui faire
croire qu'il avait a combattre des milliers d'hommes; donnant, enfin
l'exemple d'un courage, d'une bravoure que le danger semblait grandir,
bravant les balles avec cette heroique insouciance qui l'avait illustre
sur les champs de bataille de la Martinique, et de la Guadeloupe.

La bataille dura quatre heures, Hampton, croyant avoir affaire a une
armee de dix mille hommes, se retira apres avoir eu une centaine
d'hommes tues et blesses, et reprit a la hate le chemin des Etats-Unis;
et lorsque Wilkinson, qui attendait au pied du Long-Sault le resultat de
la bataille apprit la fatale nouvelle, il jugea a propos de se retirer.

Le Bas-Canada etait sauve. Les Americains, decourages, ne tenterent plus
serieusement de l'envahir pendant cette guerre, qui se termina l'annee
suivante par le traite de Gand.

Oui, le Bas-Canada etait sauve et conserve a l'Angleterre par la
bravoure des Canadiens-Francais. Quel dementi jete a la face de ceux qui
avaient reproche a cette noble population d'etre deloyale, parce qu'elle
avait du coeur et ne voulait pas laisser fouler aux pieds ses droits et
ses libertes! Ils tenterent bien un instant, les insenses! deo lui ravir
sa gloire, d'arracher du front de Salaberry des lauriers si noblement
conquis; mais les applaudissements de tout un peuple etoufferent les
cris de la jalousie et du fanatisme. L'Angleterre elle-meme declara,
par la bouche du prince regent et du due de Kent, que Salaberry et
ses braves voltigeurs etaient les sauveurs du pays, les heros de
Chateauguay.

Salaberry fut fait compagnon du Bain, et les chambres provinciales lui
voterent des remerciments; plus tard, en mil huit cent dix-sept, il fut
fait conseiller legislatif.

Mais ce fut la toute la recompense accordee au brave colonel et a
ses compagnons d'armes; on trouva que c'etait assez pour des
Canadiens-Francais. On a vu de ces braves dont la loyaute avait conserve
a l'Angleterre une riche colonie, mendier leur pain, la medaille de
Chateauguay sur la poitrine. Et apres un demi-siecle, pas une pierre
ne marque encore le glorieux champ de bataille ou ils ont illustre son
drapeau; seule, une tombe dans un cimetiere ignore indique l'endroit ou
reposent les cendres du heros de Chateauguay.

On a quelquefois conteste l'importance de cette bataille en donnant pour
raison, ou plutot pour pretexte, le petit nombre de tues et de blesses;
mais depuis quand mesure-t-on la grandeur d'une victoire a la quantite
de sang verse? Salaberry aurait-il plus de merite, s'il eut fait
tuer ses hommes inutilement? N'est-ce pas plutot un titre de gloire
incomparable d'avoir pu accomplir un si beau fait d'armes sans une plus
grande effusion de sang, d'avoir su menager par des mesures prudentes,
la vie de ses braves soldats?

De Salaberry n'eut plus l'occasion de se signaler. Il avait conquis tous
les grades que l'Angleterre pouvait accorder a un soldat catholique et
Canadien-Francais; la protection meme du duc de Kent n'aurait pu le le
faire sortir des rangs accessibles aux mediocrites. Une telle position
ne devait pas convenir a notre immortel compatriote. Il avait assez
fait, d'ailleurs, pour un gouvernement qui avait eu l'ingratitude
d'enlever a son illustre pere la demi-pension qu'il avait si noblement.
gagnee en combattant pour l'Angleterre. Il renonca a la carriere
militaire et vecut ensuite pour sa famille, s'occupant d'administrer la
seigneurie que mademoiselle Hertel de Rouville lui avait apportee sous
forme de dot. Il avait epouse cette noble demoiselle quelques mois avant
la bataille de Chateauguay. Belle alliance! dont le duc de Kent le
felicita.

C'est a Chambly qu'il fixa sa residence, an milieu de la population
temoin de sa valeur et de sa gloire pendant la guerre. Sur la riviere
Chambly, qu'on appelait le grenier du Bas-Canada, vivaient alors
des familles remarquables par leur origine ou leurs talents, qui se
disputaient la palme des belles manieres, de la liberalite et de la
fidelite aux traditions du passe. On y menait joyeuse vie; c'etait
pendant l'hiver une succession de fetes, de promenades et de fricots
legendaires. On luttait a qui ferait le plus et le mieux.

On partait le matin; on dinait chez le seigneur Jacob; on prenait les
amis en passant, et on allait passer la soiree chez M. Cartier, de
Saint-Antoine, ou chez les messieurs Drolet, Franchere et autres. Quel
bruit! quel entrain! On se separait a regret, avec la promesse de se
revoir bientot.

C'etait une grande joie dans la tribu, lorsqu'on voyait arriver le brave
colonel, car il n'etait pas le moins bruyant, et lorsque venait son tour
de chanter ou de prendre part a un cotillon emporte, a un reel favori,
il ne tirait pas en arriere. Tout le monde l'admirait pour sa gloire et
l'aimait pour la gaiete et l'affabilite de son caractere.

C'est dans une de ces joyeuses reunions, chez M. Hatte de Chambly, qu'il
fut soudain frappe d'apoplexie, le vingt-six fevrier mil huit cent
vingt-neuf. Il mourut le lendemain sans avoir pu recouvrer l'usage de la
parole, mais en pleine possession de ses facultes mentales et en paix
avec Dieu, entoure de ses enfants qu'il fit venir pour les benir.

Comme son pere, il avait eu quatre fils et trois filles dont voici
les noms: Alphonse-Melchior, ancien aide-de-camp provincial et depute
adjudant-general de milice pour le Bas-Canada, mort il y a quatre on
cinq ans; Louis-Michel, mort; Maurice qui se tua a l'age de douze ans,
par accident; Charles-Rene-Leonidase, mort; Hermine, dame Dr Galen,
decedee; Charlotte, mariee a M. Hatte de Sorel, et une autre, morte
enfant; tous grands et robustes, heritiers du type remarquable des de
Salaberry. Plusieurs petits-enfants existent pour perpetuer le nom de
cette belle famille.




Montreal, septembre 1811.

HOMMAGES DE LA PATRIE AU HEROS DE CHATEAUGUAY.


Plusieurs personnes avaient parfois exprime l'opinion qu'un monument
devrait etre eleve a la memoire du heros de Chateauguay, Mais c'est a M.
J. O. Dion, de Chambly que revient l'honneur d'avoir force la nation a
accomplir un grand acte de reparation et de reconnaissance. Des mil huit
cent soixante-dix, il avait parle de ce projet et exprime l'espoir et
la volonte de le mettre bientot a execution. Son reve etait de tout
preparer pour le centenaire du general de Salaberry, en 1878, ou au
moins pour le cinquantieme anniversaire de sa mort. Mais il ne put se
mettre serieusement a l'oeuvre que dans le mois de janvier 1879. Un
comite fut nomme alors a Chambly, et il tut decide qu'on lancerait
l'idee par la celebration d'une fete destinee a commemorer en meme temps
le centenaire du heros de Chateauguay et le cinquantieme anniversaire de
sa mort.

Cette fete eut lieu le vingt-cinq fevrier mil huit cent soixante et
dix-neuf, et elle fut magnifique. Elle commenca par une procession dans
laquelle figurerent des deputations militaires d'un grand nombre
de corps de milice et de volontaires de Montreal et des paroisses
environnantes, des membres du clerge, les eleves du college et des
ecoles des Freres et plusieurs corps de musique. Apres avoir parcouru
le village, la procession se rendit a l'eglise qu'on avait pavoisee
de draperies noires et jaunes. Au milieu de la nef, s'elevaient un
catafalque et un obelisque imposant couvert d'inscriptions patriotiques.
Une messe de requiem fut chantee avec beaucoup d'effet par un choeur
puissant; le comite energiquement aide par Messire Thibault, cure de la
paroisse avait tout fait pour rendre la ceremonie imposante.

L'obelisque se trouvait a gauche de l'autel, au-dessus de l'endroit
meme ou reposent les cendres du heros. M. Globenski, seigneur de
Saint-Eustache, y avait depose une couronne d'immortelles avec
l'inscription suivante: "Hommage du fils d'un voltigeur au heros de
Chateauguay."

Dans l'apres-midi, a une reunion du comite general, il fut decide
d'elever un monument a de Salaberry au moyen d'une souscription generale
d'une piastre par tete. Le soir, il y eut concert et banquet, et des
discours patriotiques furent prononces par l'honorable Boucherville,
M. Globenski, M. Bernier, de Saint-Jean, M. le colonel D'Orsennens, et
l'auteur de cette biographie.

M Sulte avait compose pour la circonstance les couplets suivants, qui
furent chantes avec effet par les eleves du college:

  S A L A B E R R Y!

Couplets a chanter pour la fete du 25 fevrier 1879.


  Fils de soldats, vaillante race,
  Rappelons-nous les jours passes,
  Que l'histoire en garde la trace:
  Aimons ceux qui nous ont sauves.

  CHOEUR:

  Chantons les combats de nos peres,
  Ils marchaient droit a l'ennemi! (bis.)
  Vivent nos militaires,
  Gloire a Salaberry!

  Oui! que chacun de nous s'apprete
  A transmettre le souvenir
  Des recits qu'en ces jours de fete
  Nous recueillons pour l'avenir.

  Chantons, etc.

  Aux favoris se la victoire,
  Ces veterans restes debout
  Comme les piliers de la gloire.
  rendons des hommages partout.

  Chantons, etc.

  S'il lui fallait prendre les armes.
  Le Canadien sous les drapeaux.
  Retrouvait encor des charmes
  Et l'exemple de ses heros.

  Chantons, etc.

A partir de ce jour, M. Dion se multiplia pour assurer le succes de
l'oeuvre; il ecrivit a droite et a gauche, alla de ville en ville, de
village en village, de porte en porte, mendier pour le monument du heros
de Chateauguay. Il eut a lutter peniblement contre ceux qui voulaient
que ce monument fut erige a Montreal, dans une ville, ou il aurait
necessairement produit plus d'effet. Ses adversaires avaient peut-etre
les meilleures raisons de leur cote, mais comme il n'y avait personne
pour le suivre, pour deployer autant de devouement et d'activite, il
l'emporta naturellement et il n'y eut bientot qu'une voix pour repeter
apres lui que Chambly devait avoir l'honneur de posseder le monument
comme les cendres du heros.

Mais la souscription marchait lentement.

M. Dion vit avec regret que le monument ne pourrait pas etre inaugure en
mil huit cent quatre-vingt. En attendant, pour stimuler le zele de la
population dans le district de Quebec, il entreprit de faire poser
une tablette commemorative A Beauport sur la maison meme ou naquit
de Salaberry. La population de Quebec repondit a son appel, et le
vingt-huit juin mil huit cent quatre-vingt, la ceremonie eut lieu. Son
Honneur le lieutenant-gouverneur presidait, entoure de personnages
marquants et d'une foule enthousiaste. Une immense acclamation remplit
l'air quand le lieutenant-gouverneur ecarta le voile qui couvrait
le marbre commemoratif. Ce marbre a la forme d'un ecusson et porte
l'inscription suivante:


  Force a superbe et mercy a faible.

  ICI

  NAQUIT, LE 18 NOVEMBRE
  1778
  CHARLES M. DE SALABERRY

  C. B.

  LE HEROS DE CHATEAUGUAY

  COMITE DE CHAMBLY

  27 juin 1880.

Enfin le quatre aout de la meme annee, (1880) le comite de Chambly
autorisait M. Dion a confier a notre jeune et distingue sculpteur
Canadien, M. Hebert, l'execution du monument projete, et a lui payer
la somme de quatorze cents piastres, a la condition que l'ouvrage fut
termine dans le mois de mars mil huit cent quatre vingt-un.

On ne pouvait faire un meilleur choix.

M. Hebert a fait ses preuves; c'est lui qui a execute sous la direction
de son maitre distingue, M. Bourassa, la magnifique statue de Notre-Dame
de Lourdes. Il se mit a l'oeuvre et remplit les conditions de son
contrat. Dans le mois de mars mil huit cent quatre vingt-un, la statue,
exposee dans une vitrine sur la rue Notre-Dame, attirait l'admiration
generale. Voici la description que la _Minerve_ en faisait a cette
epoque. "La statue est en bronze. Elle est en pied et mesure six pieds
et demi, y compris le socle. Le heros est debout, appuye sur la jambe
gauche. La position est celle du militaire au repos. Attitude calme et
noble, assuree, sans jactance, tel qu'il convient a un heros. La tete
est droite, le regard porte en avant, comme contemplant le champ de
bataille."

"Ses deux mains se croisent sur la poignee du sabre, dont la pointe
repose sur le socle. Le manteau militaire, attache sur les epaules et
rejete en arriere, vient se replier sur la bouche d'un canon place a la
gauche."

"La base est d'une grande simplicite mais tres elegante dans la forme.
Elle appartient au style dorique, arec ecusson portant les armes de la
famille du heros, celles de Chambly et de la province de Quebec. Sur
la face principale est inscrit:--Au heros de Chateauguay, 26 Octobre
1818.--"

"Au bas de cette inscription est un trophee compose du drapeau des
Voltigeurs d'une branche de laurier et d'une couronne. Le monument,
statue et piedestal compris, aura une hauteur de vingt-sept pieds."

Enfin, le sept juin mil huit cent quatre vingt-un, l'inauguration du
monument avait lieu a Chambly. Jamais ce village n'avait vu et ne verra
probablement reunion plus imposante, spectacle plus grandiose. Le
gouverneur-general, le marquis de Lorne, le lieutenant-gouverneur,
T. Robitaille, plusieurs membres du gouvernement, grand nombre de
militaires, de pretres et de deputes, des representants de nos societes
nationales, les hommes les plus marquants de notre societe s'etaient
donne rendez-vous a cette belle fete.

Chambly, de loin, ressemblait a un immense pavillon couvert de drapeaux
de verdure et de fleurs.

Le 65 deg. bataillon, sous le commandement du lieutenant-colonel Ouimet, fut
naturellement le premier rendu sur les lieux avec sa belle musique et
les officiers de la Saint-Jean-Baptiste de Montreal. Presqu'en meme
temps, arrivaient son Honneur le lieutenant-gouverneur de Quebec et
madame Robitaille qui passerent une partie de l'avant-midi a visiter
les principaux etablissements de l'endroit, l'hopital, le college et
le couvent (les Dames de la Congregation) ou une adresse charmante
fut presentee a madame Robitaille qui repondit en termes non moins
charmants.

Vers midi et demi un superbe gouter, ordonne par les officiers du 65 deg.,
fut servi, dans une des salles des casernes, a tout le bataillon et a
bon nombre d'invites, au nombre desquels etaient sir Hector Langevin,
les honorables MM. Caron, Mousseau, MM. Mercier, M. P. P., Coursol, M.
P., Ryan, M. P., Bergeron, M. P., Prefontaine, M. P. P., Benoit, M.
P., M. Dr Mount, vice-president de la Societe-Saint Jean-Baptiste de
Montreal, le colonel Brosseau, du 88 deg., le colonel Doherty, du 81 deg. le
colonel Houde, du 86 deg., les lieutenants Thibeaudeau et Garneau, de la
batterie de campagne de Quebec, le lieutenant Hudon, de l'artillerie de
garnison de Quebec, le colonel Crawford, les capitaines Lyman, Caverhill
et McCorkill, et les lieutenants Hood, Crawford et Lithgow, du 5 deg. Royaux
Ecossais, le capitaine Blackrock, et le lieutenant Patterson, du 6 deg.
Fusiliers, les capitaines Henshaw et Davies, des Carabiniers Victoria,
et d'autres dont les noms nous echappent.

Le _Sorelois_ arrivait, ayant a son bord Son Excellence le
gouverneur-general et sa suite, qui se composait du colonel de Salaberry
et de Mme de Salaberry, de Mme Hatt, de Mme Smyth, de Mme Lindsay, de
M. et Mme G. Bosse, de Mlle de Salaberry, du colonel Duchesnay,
depute-adjudant general du 7 deg. district, du capitaine Chater,
aide-de-camp de son Excellence, de MM. O. et H. de Salaberry, du
capitaine Campbell et de Mme Campbell, de M. et Mme Russell Stephenson.

M. Willett, maire de Chambly, lut une adresse a Son Excellence, puis le
gouverneur, escorte du 65e, etc., fit le tour du village, et rendu au
Carre Frechette, le marquis de Lorne prit place sur une estrade elevee
a cote du monument, avec bon nombre de dames et d'autres invites. Le Dr
Martel lui lut une adresse a laquelle Son Excellence fit l'eloquente
reponse qui suit:




"Agreez, mes remerciements pour votre adresse qui exprime eloquemment le
desir patriotique que vous avez d'honorer d'une maniere convenable la
memoire d'un patriote."

"Je suis heureux de m'unir a vous dans cette commemoration des services
rendus a la patrie par un vaillant soldat."

"Nous sommes rassembles pour inaugurer un monument consacre a la memoire
d'un homme qui represente dignement le noble esprit de son temps.
Ce meme esprit existe encore de nos jours, et si l'occasion s'en
presentait, une foule de Canadiens imiteraient l'exemple de ce grand
homme et s'efforceraient meme de realiser ses exploits."

Cette statue nous rappelle le trait caracteristique de nos compatriotes.
Content de peu pour lui-meme, la grandeur seule pouvait le satisfaire
quand il s'agissait de sa patrie. Tel etait le caractere de Salaberry;
tel est celui du Canadien de nos jours.

C'est a Chambly, c'est pres du champ de bataille ou il eut la bonne
fortune de pouvoir faire eclater cette bravoure, glorieuse tradition de
sa race, que nous placons cette statue.

Ce n'est pas dans un esprit de vaine gloire que nous elevons ce
monument; mais c'est dans l'esperance que les vertus antiques conservees
dans le souvenir de tous, pourront guider et eclairer les generations
futures.

Ces vertus brillaient d'un vif eclat dans cet homme distingue que ses
talents militaires rendaient apte a accomplir son devoir a la gloire de
nos armes.

N'oublions pas en lui elevant ce monument, de rendre, en meme temps, a
ses freres, le tribut d'hommage qu'ils meritent.

Ils se livrerent, eux aussi, a l'heure du danger, a cette profession des
armes qui, en quelque sorte, etait innee chez eux. Trois d'entre eux
succomberent en defendant l'honneur de ce drapeau, qui est aujourd'hui
le symbole de notre union et de nos libertes.

Dans ce beau pays, autrefois son sejour, il existe entre notre epoque et
celle ou il vecut, un contraste qui s'impose forcement a nos reflexions.
Ou nous voyons maintenant de vastes et fertiles campagnes, un pays
traverse par nos voies ferrees et ou nos rivieres permettent a nos
bateaux a vapeur d'aborder; on ne voyait, quand cette lutte heroique
etait soutenue par de Salaberry, Perrault, Mailloux, Daly, et Duchesnay,
que quelques arpents cultives au milieu de vastes forets. Trop souvent,
helas! ces forets abritaient meme des armees ennemies.

Maintenant que nous nous rejouissons au souvenir des hauts faits
accomplis a l'endroit ou les Canadiens, Anglais et Francais, se sont
egalement illustres, il n'est pas necessaire de m'arreter sur les
tristes evenements de ces jours. Nous sommes en paix, et nous vivons
avec le peuple grand et genereux qui nous avoisine, dans les douceurs
d'une amitie et d'une alliance qui, nous l'esperons, seront durables.

Alors ils essayerent de nous vaincre, mais la bravoure des Canadiens
sut leur inspirer ce sentiment de respect profond qui est le fondement
solide d'une amitie durable.

Nous devons etre heureux et nous rejouir de ce que nos rivalites avec
eux n'existent maintenant que dans l'arene feconde du commerce.

Grace a cette ere pacifique, l'accroissement journalier de nos
ressources et le developpement des forces vives de la nation rendraient
toute guerre entreprise contre le Canada longue et difficile; aussi ne
desirent-ils aucunement envahir notre territoire, et, nous! l'esperons,
un tel desir ne se manifestera plus jamais, car les nations, a moins que
la division ne provoque intervention, ne s'interposent pas aujourd'hui
aussi souvent qu'autrefois dans les affaires de leurs voisins.

Si en 1812 le Canada fut si cher aux Canadiens, combien plus ne doit-il
pas l'etre aujourd'hui! Alors, en effet, sa population peu nombreuse
goutait les douceurs de la liberte sous l'egide d'une constitution peu
liberale; maintenant, il renferme dans son sein un grand peuple, se
developpant sans cesse, se gouvernant par lui-meme a l'interieur,
jouissant avec fierte de la forme de constitution la plus libre, et
ayant la faculte, par l'entremise de sa propre representation, de
beneficier de l'influence diplomatique d'un grand empire pour l'avantage
de son commerce avec les nations etrangeres. Chez nous, aucun parti
ne voudrait provoquer des revolutions ou un changement quelconque de
gouvernement. Personne n'a de chance de succes dans la vie publique, en
Canada, personne ne recoit l'appui de notre peuple, s'il n'aime avant
tout nos libres institutions.

Le gouverneur-general qui, grace a votre invitation, se trouve en ce
moment au milieu de vous, n'est, en tant que chef de gouvernement
federal, que le premier et continuel representant du peuple.

Cependant ce n'est pas seulement comme personnage officiel que je me
rejouis d'etre avec vous aujourd'hui; c'est pour moi une satisfaction
personnelle, ce sont de joyeux instants que ceux ou il m'est donne de
visiter, en compagnie des membres de la famille de Salaberry, le theatre
de tant de grandeur et de courage.

La Princesse et moi, nous ne pourrons jamais oublier les relations
d'amitie intime qui ont existe entre le prince Edouard, duc de Kent, et
le colonel de Salaberry, amitie de famille qui, j'ose l'esperer, ne sera
pas restreinte a nos aieux. La Princesse m'a prie de vous exprimer le
profond interet qu'elle porte a cette solennite; elle desire que je
vous fasse part du regret qu'elle a de ne pouvoir se trouver avec vous
aujourd'hui. Elle espere cependant, pouvoir admirer ce monument ou, pour
la premiere fois, l'art d'un de nos sculpteurs a si bien commemore la
loyaute, le courage, et le genie d'un guerrier canadien.

Ce beau discours prononce en francais par Son Excellence fut applaudi
comme il meritait de l'etre. Il est bon de transmettre a la posterite
les paroles eloquentes tombees en cette circonstance solennelle de
la bouche du representant de sa majeste, de conserver ce temoignage
precieux de la valeur et de la loyaute des Canadiens-Francais.

Ayant fini de parler, Son Excellence decouvrit la statue au milieu
des acclamations de la foule, des detonations du canon, des fanfares
retentissantes, de la musique et des feux de joie tires par le 65 deg.
bataillon.

Le colonel de Lotbiniere Harwood fit; alors le discours de circonstance.
Sa voix forte, vibrante, sa belle prestance et l'energie avec laquelle
il exprima ses sentiments et ses pensees produisirent le meilleur effet
sur la foule, M. Harwood commenca comme suit,:




Qu'il plaise a Votre Excellence,

Messieurs,

Il est des circonstances dans la vie ou le coeur semble, nager comme
dans un ocean de delices. Telle est pour moi, Messieurs, chers
compatriotes et compagnons d'armes, la circonstance actuelle; tel est
pour moi ce moment a jamais beni ou le grand peuple canadien, sortant
pour ainsi dire de son long assoupissement, se leve enfin noble et fier
pour rendre aux cendres d'un mort illustre, que dis-je, au sauveur de
son pays, les honneurs qui lui etaient dus depuis trop longtemps, et
dont le souvenir, par une penible indifference, avait ete presque rejete
au fond du lugubre et triste gouffre de l'oubli, de ce rapide oubli que
le poete nomme "le second linceul des morts." Helas! depuis longtemps le
heros de Chateauguay dort au fond de sa tombe... pas une pierre... pas
un mausolee... pas la moindre trace de l'endroit ou la froide poussiere
de cet homme illustre attend le grand jour de la resurrection... (On
comprend que je ne veux parler ici que du monument public, du monument
eleve par la nation; je ne parle pas du modeste mausolee que la, piete
filiale erigea, il y a quelques annees, dans le champ du long repos, le
paisible et modeste cimetiere de Chambly.)

Que du fois les etrangers au pays, cherchant partout de l'oeil quelque
souvenir du heros de Chateauguay et ne voyant rien, absolument rien
qui leur revelat d'une maniere tangible le passe glorieux de cet homme
illustre, s'ecriaient dans leur indignation: "Canadiens ingrats..... que
faites-vous? C'est a vous qu'on peut dire: il est donc bien vrai que
l'ingratitude est un vent brulant qui desseche le coeur." Peuple
canadien, vous avez une tache au front! Vous ne serez jamais un grand
peuple que vous n'ayez efface cette tache..... Permettrez-vous plus
longtemps a l'univers etonne de repeter a votre adresse:

  On ne voit que regrets en ce monde,
  L'injure se grave en metal
  Et le bienfait s'ecrit sur l'onde.

Mais non, non... mille fois non. Ceci se ne dira pas de mes
compatriotes. Voici le jour venu ou le peuple canadien peut reprendre
son rang parmi les peuples de la terre... car il a paye la premiere,
la plus sacree des dettes... sa dette d'honneur...... sa dette de
reconnaissance...... Cette memoire du coeur--il s'est souvenu du passe,
les manes de Salaberry sont apparus,--Justice leur est enfin rendue, et
graces au ciel, maintenant plus que jamais, je suis fier et heureux de
me dire: Je suis Canadien.

Que le spectacle qui s'offre a mes yeux en ce moment est donc beau! De
tous les coins du pays, de l'etranger meme, des personnes de la plus
haute distinction sont venues orner de leur presence cette splendide et
brillante fete de famille: cette fete de la jeune nation canadienne,
de cette nation que le ciel, dans sa sagesse infinie, a destinee
indubitablement a jouer un si grand role dans l'avenir de la grande
confederation canadienne. Ici, ce sont les sommites de la judicature, du
pouvoir legislatif et executif. La, le representant de notre Souveraine
et le lieutenant-gouverneur de Quebec, Plus loin, les defenseurs de
la patrie, ces vaillants jeunes gens, au coeur chevaleresque qui
n'attendent que l'occasion de prouver que l'ardeur martiale de leurs
ancetres n'est pas eteinte dans l'ame de leurs descendants.

Voyez, la-bas, ce groupe de femmes aussi belles que spirituelles, ne
nous semblent-elles pas encourager du regard ces jeunes guerriers
et leur dire: "Soyez braves, soyez grands, soyez genereux, soyez
magnanimes, soyez de bons et de fideles patriotes puis vous aurez notre
coeur a jamais."

Oui, Messieurs, nous assistons a une grande, belle et noble fete. Ce
n'est pas la fete d'une secte, d'un parti politique, c'est une fete
nationale, dans toute la force du mot......

Aussi, un eminent ecrivain a-t-il dit a propos de ces sortes de fetes:
"Il y a des fetes nationales qui attirent autour du meme souvenir ou
de la meme esperance les pensees, les amours et les joies de tout
un peuple, et qui en font comme une seule famille liee par un meme
sentiment et perdue dans une commune allegresse. Toute fete qui se
rattache a un souvenir bien compris, a une idee profondement sentie,
toute fete qui a un sens pour l'esprit, et qui se produit a l'exterieur
qu'apres avoir passe par l'ame, est sainte, auguste et digne d'une
nation......"

M. Harwood lit ensuite l'histoire du heros de Chateauguay et termina son
discours par les paroles suivantes:

En contemplant cette statue, le vieillard dira a son petit-fils les
exploits du heros de Chateauguay!! Fasse le ciel que ce moment ne cesse
jamais de proclamer A toutes les classes, a toutes les conditions, a
tous les ages, la grandeur et l'importance des evenements qu'il est
destine a rappeler. Puisse l'enfance y venir apprendre, des levres
maternelles, le but et l'objet de son erection... Puisse l'homme
decourage et abattu, l'homme aux prises avec les luttes, les deboires
et les chagrins de la vie, y venir remonter son courage aux grands
souvenirs que ce monument reveille...... Puisse l'artisan, fatigue des
rudes travaux du jour, y jeter un simple regard en passant...... Ah!
comme il se sentira soulage...... et si jamais la patrie est en danger,
puisse le citoyen y venir retremper son patriotisme en contemplant les
nobles traits de cet homme qui a si bien merite de la patrie, de ce
patriote par excellence.

Puisse cette statue etre le dernier objet qui frappe le regard du jeune
homme de Chambly en laissant le sol natal pour l'etranger, et puisse
cette statue etre encore le premier objet sur lequel ses yeux se
porteront a son heureux retour...... Oui, cette statue... toujours cette
statue, avec son glorieux souvenir.

Et pour nous, Messieurs, que venons nous apprendre au pied de cette
statue? l'amour de la patrie... car, comme a dit un grand ecrivain
francais: c'est Dieu qui a mis l'amour de la patrie dans le coeur des
hommes, un jour ou il leur a commande d'honorer le tombeau des ancetres,
de suivre les lois donnee a leurs peres, de defendre l'autel, le temple,
ou le tabernacle, ou ils avaient prie!... Ce jour la, il leur a fait un
commandement d'aimer la patrie; car la patrie, c'est le passe, garde par
le present et legue a l'avenir... c'est la generation vivante veillant
sur les cendres de la generation morte, et disant a celles qui vont
suivre: "aimez ce que nous avons aime, honorez ce que nous avons honore,
et que notre Dieu soit a jamais votre Dieu."

Oui, Messieurs, nous sommes venus ici pour y apprendre le patriotisme.

Permettez-moi, Messieurs, en terminant. de m'ecrier ici, comme jadis un
grand orateur francais:--Avez-vous reflechi, Messieurs, a ce qu'etait le
patriotisme?

Ecoutez! Sans doute, pour l'homme religieux, pour le philosophe, pour
l'homme d'Etat, la patrie ce compose d'abstractions sublimes: la patrie,
c'est la succession continue d'une race humaine possedant le meme sol,
parlant la meme langue, vivant sous les memes lois, et qui, ne mourant
jamais, se perfectionne en se renouvelant toujours, comme un etre
immortel qui n'a que Dieu avant lui et Dieu apres lui... Mais, pour
l'homme des champs, la patrie est quelque chose de plus sensuel, de plus
reel, de plus pres du coeur. Ce qu'il aime dans la patrie, c'est ce
petit nombre d'objets auxquels son ame est attachee toute sa vie;
c'est la maison, c'est la famille, ce sont toutes ces images sensibles
devenues des sentiments pour lui. Riche ou pauvre, peu importe, c'est le
toit et l'espoir de sa vie. Il y a autant de patriotisme dans le petit
champ que dans le grand domaine; il y a autant de patriotisme dans la
masure degradee et couverte de chaume et de mousse que dans la demeure
elevee et resplendissante au soleil. C'est pour cela qu'on vit, c'est
pour cela qu'on meurt avec joie quand il faut les defendre contre la
profanation du pied etranger.




M. Dion, invite a prendre la parole, parla des sacrifices et du travail
qu'avait coute l'oeuvre du monument de Salaberry. Il aurait pu ajouter
que sans lui ce monument n'existerait pas.

Le marquis de Lorne s'avancant alors sur le devant de l'estrade proposa
trois hourras pour la famille Salaberry. Inutile de dire que la foule
fit un accueil favorable a cette proposition.

L'assemblee se dispersa ensuite. Le gouverneur-general et sa suite ainsi
que Sir Hector Langevin, et l'honorable M. Caron, quitterent Chambly
vers quatre heures.

A six heures avait lieu le banquet. Le Dr Martel presidait, ayant a sa
droite le lieutenant-gouverneur Robitaille et a sa gauche, l'honorable
M. Mousseau. Plusieurs toasts furent portes et des discours patriotiques
furent prononces par le lieutenant-gouverneur, l'honorable M. Mousseau,
l'honorable M. H. Mercier, depute de Saint-Hyacinthe, M. R, Prefontaine,
M. Brisson et M. Benoit, depute de Chambly.




Au toast porte au lieutenant-gouverneur de la province, Son Honneur M.
Robitaille repondit par l'excellent discours qui suit:

Messieurs

Comme representant de la Reine dans la province de Quebec, je vous
remercie de la sante que vous venez de boire. Elle est une nouvelle
preuve de cette loyaute inalterable que les Canadiens-Francais ont
manifestee en tant de circonstances.

Cette province est peuplee en grande partie de Canadiens-Francais, et
je suis fier de pouvoir proclamer hautement que Sa Majeste la reine
Victoria ne compte pas une province plus fidele, au drapeau. anglais. Et
ce n'est pas par oubli du passe, par decheance nationale, par faiblesse,
qu'il en est ainsi. C'est au contraire par reflexion, par raison, par
experience, par sagacite politique, que nous en sommes arrives a ce
resultat.

Lors de la chute du gouvernement francais en ce pays, il y eut parmi
la population un sentiment de malaise et de regret entierement
incontrolables. La vieille France, le drapeau blanc, les exploits
accomplis dans la lutte supreme, tous ces souvenirs glorieux et chers
faisaient battre les coeurs et maintenaient les esprits dans un etat de
defiance et de desaffection pour le pouvoir nouveau. Les tracasseries
administratives ne firent d'abord qu'augmenter ce sentiment. Mais a
mesure que le gouvernement se departit de ses rigueurs et fit des
concessions plus larges, la confiance naquit, les rancunes s'apaiserent,
et petit a petit on vit s'etablir un nouvel ordre de choses ou
l'Angleterre se montra plus sagement liberale et le peuple de cette
province plus sympathique. Les progres furent lents, mais n'en furent
pas moins reels. Il y eut bien des pas en arriere; mais, enfin,
graduellement les principes fondamentaux du gouvernement anglais
s'introduisirent dans notre constitution politique.

Cette constitution britannique qui a peut-etre ete a un certain moment
la plus parfaite du monde, on nous l'a accordee, pour ainsi dire piece
par piece. L'edifice n'a ete paracheve qu'apres bien des annees de
travail, et cependant les garanties qu'on nous a accordees des le
commencement, les droits politiques et sociaux dont on nous a mis
successivement en possession ont suffi pour gagner notre affection a la
couronne a laquelle nous avions ete cedes.

Nous sommes restes fideles au nouveau drapeau comme nous l'avions ete
a l'ancien, comptant que l'avenir et notre perseverance nous
apporteraient; les droits et les legitimes libertes qui nous manquaient
encore.

Nous avons eu raison, Messieurs, d'agir ainsi; ce qui se passe sous
nos yeux, de nos jours, en est une preuve. Aujourd'hui, en effet, nous
sommes presque entierement les arbitres de nos propres destinees.
Nous jouissons d'institutions libres, et d'une securite sociale
malheureusement inconnue a d'autres pays. Nous grandissons a l'ombre
protectrice de l'etendard d'Angleterre et nous n'avons a craindre, au
moins pour le present, ni les revolutions, ni les bouleversements, ni
les discordes interieures qui tourmentent notre ancienne patrie. La
province de Quebec est en possession du "self-government" et aucun pays
au monde n'a plus de libertes civiles que le notre. Il n'est donc pas
surprenant que nous soyons des sujets fideles de la couronne anglaise.

Cette loyaute des Canadiens-Francais a ete mise plus d'une fois
a l'epreuve. Au lendemain de la cession, en 1773, les Americains
rencontrerent un obstacle invincible dans le respect des habitants de ce
pays pour le serment de leur allegeance. Il suffit pour s'en convaincre
de se rappeler le siege de Quebec par l'armee du Congres. Mais c'est
surtout en 1812 que se sont manifestees avec plus d'eclat la fidelite et
la valeur de notre peuple. C'est alors qu'on a vu les enfants du Canada
francais se lever spontanement pour la defense d'une colonie anglaise;
c'est alors que nos braves miliciens, dont nous pourrons encore
quelquefois saluer dans nos rues les debris glorieux, se sont precipites
vers la frontiere a l'appel d'un gouverneur Anglais, pour repousser les
envahisseurs; c'est alors que l'impetuosite francaise et la calme valeur
anglaise se sont completees l'une par l'autre, comme elles firent plus
tard sous les murs de Sebastopol; c'est alors que nous donnames a
la journee de Carillon, une soeur immortelle dans la bataille de
Chateauguay, et que le nom du soldat dont nous celebrons aujourd'hui la
memoire, de l'heroique de Salaberry, entra soudain dans l'histoire comme
la plus eclatante personnification du courage et de la gloire militaire
de notre race. Messieurs, le nom de Salaberry est pour nous plus qu'un
souvenir de triomphe, c'est un symbole, un symbole de ce nouvel etat de
choses qui, cinquante-deux ans apres la bataille des plaines d'Abraham,
faisait remporter a des soldats d'origine francaise une victoire
anglaise.

Depuis cette epoque, comme je le disais tout a l'heure, ce mouvement de
transformation s'est accelere, s'est accentue. Nous formons maintenant
une grande nation composee de nationalites diverses, mais unies dans un
meme sentiment: l'amour de la patrie commune. C'est ce sentiment qui
animait les soldats de 1812, c'est ce sentiment qui doit nous rallier
lorsqu'il s'agit des interets et de la renommee de notre pays. Et si
jamais la guerre nous appelait de nouveau aux frontieres, si jamais une
armee ennemie s'avancait dans nos campagnes et menacait nos villes, je
suis sur qu'il se trouverait encore parmi nous un autre de Salaberry
pour nous conduire a un autre Chateauguay.

La demonstration d'aujourd'hui, cette statue qu'on a elevee au heros
canadien, ces honneurs rendus a la memoire d'un vaillant soldat, sont
en meme temps qu'un acte de justice et de reconnaissance un haut
enseignement pour les generations actuelles. Ils proclament quel est le
prix des vertus guerrieres et du devouement a la patrie, et ne peuvent
manquer d'etre, dans un moment donne, un puissant encouragement pour
tous qui parcourent la carriere des armes. Depuis quelques annees on
s'est serieusement occupe de l'organisation et du mouvement militaire en
ce pays.

Eh bien, je crois qu'une demonstration comme celle a laquelle nous avons
assiste aujourd'hui est de nature a produire dans ce sens les meilleurs
resultats et a jeter dans l'esprit du peuple de cette province des
germes qui ne resteront pas sans fruits pour l'avenir. Je considere donc
qu'il est de mon devoir de profiter de cette circonstance pour feliciter
cordialement les organisateurs et les promoteurs de cette oeuvre de
reconnaissance nationale. C'est en glorifiant les grands hommes qu'une
nation se grandit elle-meme; et l'experience de tous les peuples est
la pour demontrer cette verite historique: que les honneurs rendus
aux morts illustres sont une semence feconde de vertus civiques, de
devouement et d'heroisme.




DISCOURS DE L'HONORABLE M. MOUSSEAU

Monsieur le President.

Messieurs,

Avant de repondre au toast qui m'a ete devolu, mon devoir est de faire
remarquer le caractere particulier et grand de la demonstration. Il y a
cent-vingt ans que nous sommes passes sous la domination anglaise.
Nous fetons aujourd'hui la gloire d'un Canadien-Francais qui s'est
immortalise dans la defense du pavillon anglais en 1813. La fete est
presidee par Son Excellence le gouverneur-general, le marquis de Lorne,
le representant direct de Sa Majeste la reine Victoria. Son discours
genereux et noble, nous a profondement emus. Le lieutenant-colonel
Harwood, representant les deux races appartenant au departement de
la milice du Canada a demontre le principe de la vitalite de la race
francaise. Son excellence le lieutenant-gouverneur de la province de
Quebec, mon ami, l'honorable M. Theodore Robitaille, aussi representant
de Sa Majeste, vous a fait un discours marque au meme coin du
patriotisme le plus pur; et tout Cela, Monsieur le president et
Messieurs, se fait a l'ombre du glorieux drapeau de l'Angleterre, qui
nous a toujours couverte de sa protection genereuse et efficace, et
qui porte dans ses plis la plus grande liberte que le monde a jamais
possedee et qu'il prodigue a toutes ses colonies.

J'ai ete appele a repondre a la sante du Canada, c'est-a-dire a sa
grandeur, a sa prosperite futures. Je remercie infiniment le comite du
centenaire de Salaberry de m'avoir confie cette tache; seulement je suis
tenu de dire sans modestie que je me crois au-dessous du devoir qui m'a
ete impose. Je ne fais pas de fausse modestie,--il parait recu dans les
cercles les mieux informes que la modestie n'est pas le fort des hommes
politiques--; mais comme je suis au debut de ma carriere ministerielle,
je n'aimerais pas devier de la regle. Cependant, on a beau se croire
fort, on a beau se croire puissant, on a beau se croire grand, il y a
des situations, des tableaux, des paysages qui eblouissent, qui vous
empoignent et qui vous surpassent; c'est alors le temps, pour l'homme
qui comprend la fragilite humaine, de crier misericorde. C'est ce que
je vais faire en ce moment et cela sans faire preuve ni d'exces de
modestie, ni d'exces de vanite.

Tout ici parle histoire et patriotisme. D'un cote, le monument du grand
homme, ce nouveau heros des nouvelles Thermopyles, dont nous venons de
celebrer la gloire en nous inclinant devant le bronze qui l'eternisera
moins que la bataille de Chateauguay.

De l'autre, la riviere Chambly, le Richelieu, auquel se rattachent tant
de souvenirs historiques, le Richelieu, temoin de luttes si heroiques;
de l'autre, ces belles et riches campagnes peuplees de gens paisibles
et d'une race forte, qui a deja fait sa prosperite en s'attachant aux
grands principes sans lesquels tout dans le monde n'est, comme disait un
grand predicateur, que vanite et mensonge, et qui sont renfermes dans
ces deux mots sacres: religion et patrie.

Je desire parler de notre grandeur future, mais auparavant permettez-moi
de dire quelques mots de notre passe.

L'histoire du passe est le soleil qui eclaire et guide l'avenir. Nous
sommes a Chambly, ce poetique village qui a aujourd'hui convie les
belles campagnes environnantes a la fete du heros de Chateauguay.

Chambly a bien souvent entendu le bruit des armes et vu les couleurs de
maints drapeaux. Place sur la premiere route entre les Etats-Unis et
le Canada, Chambly a vu tour a tour defiler les hordes sauvages et les
soldats de la vieille France; il a vu les grandes guerres contre les
colonies anglaises et plus tard les soldats de la Grande Bretagne et les
miliciens de 1776 et de 1812. C'est l'endroit ou nous sommes qui a vu
passer les vainqueurs de Carillon.

Les lieux, les monuments qui ont vu passer les grands hommes semblent
avoir retenu quelque chose de leur presence, tellement leur souvenir s'y
presente avec force a l'imagination. Je ne puis donc voir Chambly sans
songer a ces hommes qui ont paye de leur vie l'etablissement de
notre pays et arrose de leur sang les racines de la nationalite
canadienne-francaise.

En ce jour de fete nationale, a la memoire d'un homme qui s'est couvert
de gloire dans la defense du pays, je ne puis m'empecher de rendre
hommage an courage de ces heroiques soldats qui, malgre les perils de
ces jours tristes mais glorieux, malgre les tristes perspectives de
l'avenir qui s'offrait a eux sous les plus sombres couleurs, malgre
l'indifference de la mere-patrie, donnaient gaiement leur vie pour une
cause qu'ils pouvaient croire perdue.

C'est la l'enseignement pour nous. Que de fois ne sommes-nous pas temoin
de defaillances dans les rangs de ceux qui luttent pour conserver
l'heritage conquis au prix de tant de sacrifices et d'heroisme! Ces gens
de peu de foi se mettent quelquefois a douter de l'avenir et pensent que
la lutte est inutile.

Messiers, franchement, je n'ai jamais compris et j'espere ne jamais
comprendre ces desespoirs, et je devrais le dire, ces lachetes. Ce qui
s'est fait dans le passe se repetera dans l'avenir. Heureusement ces
ames auxquelles repugne la lutte deviennent de plus en plus rares parmi
nous. Le sang des heros est comme celui des martyrs: c'est une semence
feconde qui produit des coeurs plus genereux, des caracteres plus
virils, des caracteres qui ont foi dans l'avenir et qui ont la noble
ambition de remplir une mission civilisatrice en Amerique.

Ou est le secret de cette force, de cette confiance, de cette foi dans
l'avenir? Dans le principe religieux, dans la foi catholique, dans
l'alliance intime entre le peuple et le clerge. Qu'on me permette de
repeter ce que j'ecrivais, il y a onze ans: C'est le catholicisme qui a
sauve la Nouvelle-France.

Ils n'ont pas desespere de l'avenir de leur pays cette poignee de
Canadiens qui, abandonnes par les plus riches d'entr'eux, ecrases par la
defaite, seuls en face de leurs vainqueurs, entreprirent de continuer,
sans la France ingrate, l'oeuvre de la Nouvelle-France. Et quelle tache?

Et quelle perspective ne fut jamais plus sombre? Aux yeux des gens
froids qui calculent tout, quelle chance d'avenir et de succes
avaient-ils? Aucune? Mais ces heroiques vaincus avaient foi dans leur
destinee, voulaient etre quelque chose; en depit de la defaite et de
la pauvrete, de l'isolement, ils furent quelque chose. Pourquoi? parce
qu'ils avaient de leur cote cette grande force morale sans laquelle on
ne fait rien de grand en ce monde, la foi dans leur mission, la foi en
eux-memes, la volonte energique d'exister, de conquerir comme nation
leur place sous le soleil qui luit pour tous.

Et nous qui sommes aujourd'hui un million, nous serait-il permis du
douter lorsque nos ancetres au nombre de 60,000 seulement etaient
pleins d'espoir? Nous serait-il permis de douter de l'avenir lorsque
la politique qui voulait exterminer cette poignee de braves a reconnu
depuis 50 ans le neant de ses desirs? Desesperer aujourd'hui de notre
avenir, ce serait presque trahir; ce serait au moins de la lachete.

Pour preparer l'avenir qui est notre present, quels combats de geants
nos ancetres n'ont-ils pas eus a soutenir! Vous savez les luttes
heroiques des premiers temps de notre histoire; guerres contre la
barbarie--les sauvages; guerres contre la civilisation--les colonies
anglaises de l'Angleterre. Depuis, la lutte a continue. Nous avons lutte
pour l'existence nationale en 1776 et en 1812 lorsque les Americains
voulaient nous absorber; des Canadiens aussi fideles a l'Angleterre
qu'ils l'avaient ete a la France. des soldats braves et intelligents
comme le heros dont le nom nous unit ici, firent de leur poitrine un
rempart a la puissance britannique en Amerique.

On l'a deja dit, mais il est bon de le repeter de temps en temps, c'est
aux heros de 1776 et de 1812, a Salaberry, et a ses braves compagnons
que l'Angleterre doit l'avantage et l'honneur d'avoir son drapeau dans
le nord de l'Amerique. Il est inutile d'insister la-dessus.

Si les Canadiens avaient ecoute les Americains et les Francais en 1776
et en 1812, c'en etait fini de la puissance anglaise en Amerique.

Et nos braves ancetres en cela se trouvaient dans une singuliere
position; ils luttaient pour leurs sentiments de fidelite a l'Angleterre
et dans le but de preparer un avenir a leurs descendants; ils luttaient
sur les champs de bataille pour l'honneur et le prestige de leurs
vainqueurs de 1759. Les Canadiens d'alors, comme ceux d'aujourd'hui,
comprenaient que leur interet etait de rester sujets britanniques, de
meme qu'ils comprenaient que faire cause commune avec les Americains,
c'etait pour leur nationalite naissante, l'absorption et le neant.

Cet avenir, que vous me demandez de vous peindre, nos ancetres ne l'ont
pas prepare, conquis sur les champs de bataille seulement: mais aussi
dans les combats politiques. Descendants d'un peuple ou les institutions
democratiques sont encore a peine comprises, nos hommes d'etat ont su
voir quelles ressources ils pourraient tirer de la constitution anglaise
et ils ont ete les vrais fondateurs du regime parlementaire en Amerique,
Aussi, apres avoir consenti le nord de l'Amerique a l'Angleterre, les
Canadiens d'autrefois out arrache a la mere-patrie la liberte politique,
et lui out prouve --contre la volonte des gouverneurs d'autrefois--que
nous etions a la hauteur des circonstances et que, puisque nous etions
sujets anglais, nous devions jouir de tous les privileges que ce titre
comporte.

Nos ancetres ont soutenu des combats de geants, et sur les champs de
bataille, et sur le terrain de la politique. Les Lafontaine, les Morin,
les Cartier, les Dorion ont ete les Salaberry du la politique; les uns
et les autres ont assis sur des bases inebranlables l'edifice de notre
nationalite.

Qu'etions-nous en 1760, en 1791, en 1812 et en 1837? Que sommes-nous
aujourd'hui? Une nationalite vivace, forte et en pleine possession de
tous ses droits. Nous sommes inattaquables a Quebec. Nous sommes forts a
Ottawa.

Que faut-il maintenant pour conserver le terrain conquis et contribuer
de nouvelles pages a notre histoire?

Notre estime et regrette gouverneur, lord Dufferin, dans un discours
qu'il prononcait a Londres en 1876 ou 1877, a declare que "de toutes les
colonies anglaises l'Amerique britannique du Nord, le Canada francais se
pliait le mieux au maniement des institutions representatives." Il a dit
plus que cela, et je sais que nos compatriotes d'origine anglaise n'en
seront pas froisses, il a dit que les Canadiens-Francais paraissaient
mieux comprendre et pratiquer que les Anglais eux-memes le rouage, le
maniement de ces institutions. Voila ce qu'un gouverneur anglais a pu
dire de nous.

Vous connaissez aussi bien que moi un vieux proverbe qui dit: "Quand on
se juge, on ne s'estime pas grand chose. Quand on se compare, on est
plus fier..."

Mais, Messieurs, ce n'est pas tout de dire que nous avons accompli de
grandes choses dans le passe, que nous avons eu nos heros et nos jours
de triomphe; il ne faut pas pour cela se croiser les bras et s'endormir
dans une fausse securite.

A l'heure qu'il est si nous nous jugeons, nous n'avons pas lieu d'etre
trop fiers. Le principe de notre liberte, la condition indispensable de
la conservation de notre religion et de notre race, c'est le combat, la
lutte de tous les jours et de tous les instants. C'est la la condition
_sine qua non_ de notre existence comme nationalite, du maintien de nos
privileges, de notre developpement dans l'avenir.

Car, tout n'est pas couleur de rose, et il nous reste encore a nous
emparer de plusieurs elements avant de devenir le grand peuple dont
nous pouvons ambitionner les destinees. Quand on se compare a d'autres
populations, on s'appercoit que, sous certains rapports, il nous manque
une foule de choses.

Ce serait ici le temps de parler de la belle reponse, de l'admirable
discours fait par Son Excellence le gouverneur-general en reponse a
l'adresse de Chambly. Il a parle comme un homme d'etat anglais, comme un
coeur noble et plein de sympathie pour les Canadiens-Francais. Il a, par
la, ecrit son nom dans l'histoire de nos meilleurs gouverneurs anglais
et a droit a notre estime, a notre amitie et a notre reconnaissance.
On a eu raison de l'acclamer, de le feliciter et de le remercier
cordialement.

Revenons aux conditions de notre salut, si nous voulons etre dignes de
notre passe et nous faire un avenir digne de nous.

La premiere condition, c'est la fidelite aux traditions, c'est la
patience et la perseverance dans le travail et les epreuves, c'est le
patriotisme des representants du peuple.

La deuxieme condition, c'est la foi. Il y en a deux; l'une que je puis
appeler la foi nationale, la foi politique. Il faut que nous croyions a
la nation, que nous croyions de cette foi ferme, vivante, convaincue,
qui surmonte tous les obstacles pour assurer le present et preparer
l'avenir. Et, en nous rappelant de notre glorieux passe, de ce passe
heroique qu'a immortalise de Salaberry, nous pouvons, certes, avoir foi
dans notre avenir.

Mais il ne faut pas que notre foi a nous soit une foi aveugle, inactive.
Il faut travailler a imiter ces grands hommes de notre passe, si nous ne
voulons pas degenerer. Il faut que nous nous inspirions de la meme foi
dont ils s'inspiraient quand ils faisaient les grandes choses, quand ils
etablissaient les nobles traditions qu'ils nous ont laissees.

Il en est une antre, et celle-la est plus delicate. Mais, Messieurs, si
nous voulons nous maintenir comme race distincte, il faut conserver,
dans toute sa force, l'alliance intime du peuple et du clerge, la
developper, la soutenir. C'est la chose importante. N'oublions pas,
Messieurs, que c'est cette alliance qui, au plus fort des dangers, an
milieu des perils de toutes sortes, a sauve la province de Quebec, l'a
gardee francaise et catholique. La continuation de cette alliance, qui
nous fut d'un si grand secours dans le passe, est aussi la condition
essentielle, la garantie de notre Avenir.

Ce n'est pas ici le lieu de developper ces idees bien longuement. Mais,
comme homme public, laissez-moi vous dire ce que d'autres hommes publics
eminents, des hommes d'etat d'une grande science et d'une grande
autorite en pensaient. En 1878, Disraeli, le grand chef politique dont
l'Angleterre deplore encore la perte, et a qui elle rendait, il n'y
a pas longtemps, un hommage merite, Disraeli donnait une fete a ses
fermiers. De quoi leur parla-t-il? On s'imagine sans doute qu'il leur
parla des affaires du pays, des grandes mesures politiques qu'il voulait
mettre a execution. Eh bien! Messieurs, a la fin d'un discours qu'il
leur adressait, il leur parla de religion. "La base du bonheur du
peuple, leur dit-il, c'est le sentiment religieux, c'est le sentiment
chretien." Eh bien! Messieurs, je vous ^ dis la meme chose. Notre salut,
c'est de rester catholiques, en restant unis au clerge.

La troisieme condition, c'est le travail sans relache. L'illustre eveque
d'Orleans, qui n'etait pas seulement un homme de genie, mais aussi un
grand et saint eveque, et un grand homme d'etat, disait: "Montrez-moi
un peuple qui travaille huit heures par jour, et je vous montrerai le
premier peuple du monde."

Le travail est une necessite. C'est une loi dont l'application doit
s'exercer sans interruption.

Comment travailler? Il y a mille manieres de travailler; il faut
apprendre a travailler, a se tenir au courant des progres nouveaux. Une
culture amelioree produit plus de grain, et on a eu raison de dire
qu'il faudrait ranger parmi les bienfaiteurs de l'humanite l'homme qui
trouverait le moyen de faire pousser deux brins d'herbe ou il n'en
pousse qu'un.

Les hommes publics, les hommes de profession sont ceux qui ont
plus besoin. de travailler, afin de se mettre en mesure de donner
satisfaction aux aspirations, aux besoins de notre peuple, et de le
maintenir sur un pied d'egalite avec les autres peuples.

Une autre cause d'agrandissement pour notre province, c'est la
colonisation. Mais pour parler de ce sujet avec l'eloquence qui lui
convient, il nous faudrait ici un cure Labelle, cet homme qui a passe sa
vie a developper, a promouvoir cette grande cause de la colonisation,
qui est d'une importance majeure pour nous. Il est inutile de parler
longuement de ce sujet. Tous les jours, vous etes a meme de lire
des articles de journaux, des brochures, etc., sur cette matiere.
Laissez-moi vous dire seulement que la colonisation, c'est l'oeuvre qui
sauvera le pays.

Je m'apercois, un peu tard il est vrai, puisque j'ai fini, que le toast
auquel je devais repondre n'est pas celui auquel j'ai repondu.

La sante qu'a proposee le president etait "A la prosperite, a la
grandeur et a l'avenir du Canada" et je n'ai parle que de la prosperite,
de la grandeur et de l'avenir de la province de Quebec. Cependant, je ne
suis pas si loin de mon sujet que j'en ai l'air. Ce n'est pas un defaut
de memoire qui me l'a fait oublier. Mais, dans le systeme federal, toute
province forme un membre inseparable du tronc ou du corps. Si, un membre
souffre, tout le corp souffre. Si au contraire, chaque province est
heureuse et prospere, tout le corps federal s'en ressent.

En travaillant donc a ameliorer la situation de la province de Quebec,
en ameliorant les conditions de son progres, de sa prosperite future,
nous travaillons pour le bien general de tout le pays.

La province de Quebec commence a aller mieux, et comme je pense qu'elle
va continuer a aller mieux, j'ai repondu a la sante du Canada.




M. Mercier repondit au toast "A la memoire du heros de Chateauguay" et
termina une eloquente harangue en lisant la piece de poesie suivante
faite pour la circonstance par M. L. H. Frechette:

  I.
  Vous futes glorieux, jours de dix-huit cent douze,
  Quand nos peres, grands coeurs qui battaient sous la blouse,
  Oubliant d'immortels affronts,
  Sous les drapeaux anglais, en cohortes altieres,
  La carabine au poing, se ruaient aux frontieres
  En chantant avec les clairons!

  II
  Gars a la joue imberbe, hommes aux mains robustes,
  Toujours prets a venger toutes les causes justes
  Comme a braver tous les pouvoirs?
  Toujours prets, ces heros, au premier cri d'alerte,
  A repondre, arme au bras et la poitrine ouverte,
  A l'appel de tous les devoirs!

  III
  Regardez-les passer, ces guerriers d'un autre age,
  Conscrits dont le sang-froid, la gaiete, le courage.
  Font honte an soldat aguerri!
  Ou vont-ils? Au combat! D'ou viennent-ils? De France!
  Comment s'appellent-ils? Ils s'appellent vaillance!
  Demandez a Salaberry.

  IV.
  Ce sont les Voltigeurs! Ils sont trois cents a peine;
  Mais, vainqueurs d'une lutte ardente, surhumaine,
  Ils vont, de leur sang prodigues,
  Sons des trombes de feu, riant des projectiles,
  Un contre vingt, inscrire aupres des Thermopyles,
  Le nom rival de Chateauguay.

  V.
  Avenir, saluez! saluez tous ces braves.
  Leur heroisme a su, repoussant les entraves,
  Qu'on forgeait pour nos conquerants,
  Rajeunir sur nos bords la legende de gloire,
  Qui dit que lorsque Dieu frappe fort dans l'histoire,
  C'est toujours par la main des Francs.



Il y aurait d'autres discours a citer, mais ce serait trop long.

Cette belle demonstration se termina par une brillante illumination et
les milliers de personnes venues a Chambly le matin s'en retournerent
vivement impressionnees de ce qu'elles avaient vu et entendu.




_Resolutions adoptees par les deux Chambres a Quebec._

Les deux Chambres siegeant a Quebec le 7 juin 1881, eurent la bonne
pensee d'interrompre leurs travaux pour rendre hommage a la memoire de
Salaberry.



CONSEIL LEGISLATIF DE QUEBEC.

Presidence de l'honorable M. Ross.

La seance est ouverte a trois heures.

Apres la presentation et l'adoption, de plusieurs rapports.

L'honorable M. ROSS dit qu'hier il a lu a la Chambre une lettre
d'invitation du secretaire du comite du monument de Salaberry priant
les membres du conseil d'assister a la grande demonstration qui a lieu
aujourd'hui a Chambly., Il ne douta pas qu'un grand nombre de membres
de cette Chambre aient desire ardemment pouvoir assister a cette belle
ceremonie faite en l'honneur du grand patriote canadien dont la memoire
est chere a tous; cependant nos devoirs parlementaires nous empechent
d'y prendre part et de nous procurer ce plaisir. Dans ces circonstances
il a cru convenable d'exprimer les sentiments des membres du conseil a
cette occasion; pour cela il a redige une depeche qu'il se propose de
soumettre a l'approbation de la Chambre. Il croit qu'il est inutile de
relater l'histoire du heros de Chateauguay, chacun la connait. Il croit
que la Chambre sera unanime a adopter la proposition qui suit:--Il
propose que la depeche suivante soit expediee immediatement a M. Dion,
secretaire du comite du monument de Salaberry:

Adopte.

"Que les membres du Conseil Legislatif desirent participer de coeur a la
belle demonstration de Chambly, qu'ils ne sauraient etre indifferents a
cette manifestation de notre patriotisme, celebrant le patriotisme d'une
autre epoque; que la foule d'elite qui se reunit aujourd'hui autour du
monument de Salaberry prouve que les grandes ames dominent le temps
et l'espace et se confondent dans un meme sentiment de loyaute et de
courageuses aspirations."

L'honorable M. FERRIER appuie avec beaucoup de plaisir la proposition de
l'honorable M. Ross. Il croit qu'il est tres convenable que le Conseil
Legislatif fasse connaitre les vives sympathies qu'il a pour le heros de
Chateauguay. Sans doute, que si les membres de cette chambre avaient pu
assister a la demonstration qui a eu lieu aujourd'hui a Chambly, a la
memoire du colonel Salaberry, ils l'auraient fait avec le plus grand
plaisir.

La motion est adoptee a l'unanimite et l'Orateur du Conseil est charge
de la communiquer au secretaire, a Chambly, par telegraphe.

La seance est levee.




ASSEMBLEE LEGISLATIVE.

_Reponse de l'Assemblee Legislative a l'invitation qui avait ete
adressee a la Chambre pour lui demander d'assister a la fete de
l'inauguration du monument eleve a la memoire de Salaberry._

Salle du president de l'Assemblee Legislative. Quebec, 7 juin 1881.

A M. J. O. Dion. Secretaire de la commission du monument de Salaberry.
Bassin de Chambly.

L'Assemblee Legislative de la province de Quebec accuse reception
de l'invitation que lui fait le comite de Salaberry pour la fete
d'inauguration du monument eleve a la memoire du glorieux vainqueur de
Chateauguay.

Elle est en seance et se joint unanimement a ceux qui prennent part a
cette fete de patriotisme Canadien. L'assemblee Legislative de Quebec ne
saurait oublier qu'en cette circonstance, le pays tout entier s'incline
non seulement devant le soldat heureux qui fit triompher les armes
britanniques, mais encore devant le Canadien-Francais qui a su
personnifier sur le champ de bataille, la loyaute a l'Angleterre.

Arthur Turcotte, President de l'Assemblee Legislative de la Province de
Quebec.




L'honorable M. CHAPLEAU--Je dois remercier la Chambre de la reponse qui
vient d'etre adressee a M. Dion. Au milieu de nos luttes, au milieu de
nos discussions, il est rafraichissant de saluer les gloires du passe.
Francais par le coeur, Salaberry a ete la plus grande personnification
de la loyaute des Francais au Canada. On a redit sans doute,
aujourd'hui, a Chambly. sa bravoure, sa valeur. Nous vous felicitons,
M. le president, de nous avoir precedes. Au milieu du choc des opinions
nous nous divisons, mais rappelons-nous nos ancetres, car au fond de
toutes nos luttes, malgre nos divisions apparentes, nous poursuivons le
meme but: le bien du pays: nous partageons le meme sentiment: l'amour
de notre patrie. La patrie a le droit d'etre fiere de ceux qui nous ont
precedes, leur souvenir est cher a nos coeurs.

Pour resumer ma pensee je dirai que le culte des aieux est juste, que
les honneurs que nous leur rendons sont bien merites et qu'il est beau
de nous rappeler les exploits de nos heros.

Permettez-moi de reciter les vers suivants qui m'ont ete passes par un
ami qui reunit a la qualite de poete celle d'un bon patriote:


  Apres tout, ce n'est pas un vain mot que la gloire,
  Ceux qui sont morts, pour nous revivent dans l'histoire,
  L'histoire ouvre au merite un vaste Pantheon.
  Les hommes devoues dont on garde les noms,
  Sur le marbre ou l'airain, meme sur une page,
  Restent toujours vivants et sont un heritage,
  Pour tout peuple qui croit a de grands avenirs.
  Seulement, nous devons, parmi nos souvenirs,
  Recueillir les bons noms, les poser comme exemple;
  Pour les grandir encore, les loger dans un temple;
  Y sacrifier tout, l'or et l'art, et le talent,
  Pour que l'esprit du peuple y voie un monument.




M. JOLY.--Je me joins a la Chambre pour vous remercier, M. le President,
de ce que vous vous etes fait l'interprete des sentiments de la Chambre
en cette circonstance. Le nom de Salaberry reveille de profondes
sympathies. Le peuple est heureux qu'on lui rappelle le souvenir des
exploits de ce heros. L'histoire du Canadien se resume par ces
deux mots: "Loyaute et Fidelite." Fideles a la, France, fideles a
l'Angleterre, nous avons le droit d'inscrire ces deux mots sur notre
banniere comme etant la devise du peuple canadien.




M. LYNCH--J'espere qu'a l'avenir, les Canadiens-Francais continueront a
marcher cote a cote avec leurs concitoyens d'origine britannique pour la
defense du pays. J'espere que le sol canadien ne sera jamais profane par
l'invasion de l'etranger.




M. ROSS--Nous ferons a l'avenir ce nous avons fait par le passe, et nous
prenons dans ce qui a ete fait par le brave Salaberry la gloire qui lui
appartient et la gloire qui nous appartient a chacun de nous. Il est
beau de consulter notre histoire et prendre exemple des hauts faits
accomplis par nos predecesseurs.




_Dans le mois d'aout 1879, on lisait dans le Journal de Quebec sous la
signature de M. T. P. Bedard:_

LE COLONEL DE SALABERRY ET LES HURONS DE LORETTE.

Le mouvement populaire en faveur de l'erection d'un monument au heros de
Chateauguay donne de l'actualite au fait suivant, qui m'a ete raconte,
il y a quelques jours, par le chef des Hurons de la Petite-Lorette:

C'etait en 1812; la jeunesse canadienne etait appelee sous les armes
pour defendre la patrie. Mue par un sentiment de patriotisme et docile
a la voix des autorites ecclesiastiques, elle s'etait empressee de se
rendre a l'appel du gouvernement anglais; de plus, on avait decide de
demander le concours des sauvages, encore en assez grand nombre a cette
epoque.

Le colonel de Salaberry se chargea lui-meme d'aller a Lorette pour
recruter les Hurons, et, dans ce but, une grande assemblee fut
convoquee, et le colonel leur annonca alors que leurs services etaient
requis; tous s'empresserent a l'envi de donner leurs noms pour aller
combattre sous le drapeau anglais.

Apres s'etre consulte avec les autorites militaires, M. de Salaberry
revint au village, quelques jours apres, annoncer aux Hurons que le
gouvernement avait decide de les garder comme reserve, au cas ou Quebec
serait attaque et ou les Americains envahiraient le pays par le chemin
de Kennebec.

Nonobstant cette declaration, six Hurons parmi lesquels Joseph et
Stanislas Vincent, reclamerent a grands cris l'honneur d'aller servir
dans les rangs des voltigeurs canadiens.

A la bataille de Chateauguay, ou 800 Canadiens accomplirent ce fait
d'armes etonnant de mettre en deroute un corps d'arme de sept ou huit
mille hommes, les freres Vincent traverserent la riviere a la nage pour
faire prisonniers les fuyards qui refusaient de se rendre.

Mais ces deux heros, tres braves et tres determines pendant l'action,
n'etaient pas tres forts sur la discipline, en sorte que quelques jours
apres la bataille, se croyant parfaitement libres, ils laisserent le
service et abandonnerent leur compagnie pour retourner dans leurs
foyers. C'etait un cas de desertion flagrante, et, d'apres le code
militaire, qui est inexorable a ce sujet, ils devaient etre passes par
les armes; il fallait une grande influence pour obtenir leur grace, et,
a ce sujet, voici ce qu'ecrivait M. de Salaberry, pere, au colonel son
fils:

A Beauport, le 4 decembre 1818

"Mon cher fils,

"Joseph et Stanislas Vincent, de ton regiment, sont arrives a Lorette,
le 2 decembre, et sont venus tout de suite se rendre a moi. Ils
temoignent un vrai repentir et un grand regret de ce qu'ils ont fait.
Ils disent qu'ils savent bien qu'il n'y a pas de bonnes excuses pour une
telle folie; mais que cependant ils peuvent dire avec verite qu'ils ne
l'ont faite que par de mauvais conseils et qu'ils ne l'auraient pas
faite sans cela. Les autres sauvages leur ont dit que les hommes des
nations, c'est-a-dire les nations indiennes, ne devraient servir que
comme des sauvages et non comme des soldats engages."

"Ils ajoutent qu'ils n'auraient pas du ecouter ces mauvais conseils;
mais que les jeunes n'ont pas l'experience des anciens. Ils disent que
comme je suis le pere des Hurons et du plus grand guerrier qu'ait le
roi, ils s'adressent a moi, avec confiance pour obtenir leur grace. Je
leur ai repondu que j'allais te la demander tout de suite, et j'etais
persuade que tu me l'accorderais parce qu'en effet, les vrais braves
sont toujours misericordieux envers ceux qui se soumettent et se
repentent. Je te prie donc, mon cher fils, de leur pardonner de bonne
grace a cause de leur repentir et de leur confiance en toi et en moi."

"Je pense bien que je serai pour beaucoup en ce pardon; mais encore une
autre raison: le grand chef est survenu en disant que tu sais bien qu'il
t'estime beaucoup comme font aussi tous les autres chefs, qu'ils l'ont
charge de te demander (en leurs noms et au sien) pardon pour leurs
jeunes gens."

"Cette nation et ses chefs t'aiment beaucoup et admirent fort _le grand
guerrier_!"

Ls. SALABERRY.



Les Hurons reconnaissants ont voulu prouver leur gratitude en
souscrivant au monument de Salaberry.



FIN.







End of Project Gutenberg's Le Heros de Chateauguay, by Laurent-Olivier David

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*** START: FULL LICENSE ***

THE FULL PROJECT GUTENBERG LICENSE
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or cause to occur: (a) distribution of this or any Project Gutenberg-tm
work, (b) alteration, modification, or additions or deletions to any
Project Gutenberg-tm work, and (c) any Defect you cause.


Section  2.  Information about the Mission of Project Gutenberg-tm

Project Gutenberg-tm is synonymous with the free distribution of
electronic works in formats readable by the widest variety of computers
including obsolete, old, middle-aged and new computers.  It exists
because of the efforts of hundreds of volunteers and donations from
people in all walks of life.

Volunteers and financial support to provide volunteers with the
assistance they need, is critical to reaching Project Gutenberg-tm's
goals and ensuring that the Project Gutenberg-tm collection will
remain freely available for generations to come.  In 2001, the Project
Gutenberg Literary Archive Foundation was created to provide a secure
and permanent future for Project Gutenberg-tm and future generations.
To learn more about the Project Gutenberg Literary Archive Foundation
and how your efforts and donations can help, see Sections 3 and 4
and the Foundation web page at https://www.pglaf.org.


Section 3.  Information about the Project Gutenberg Literary Archive
Foundation

The Project Gutenberg Literary Archive Foundation is a non profit
501(c)(3) educational corporation organized under the laws of the
state of Mississippi and granted tax exempt status by the Internal
Revenue Service.  The Foundation's EIN or federal tax identification
number is 64-6221541.  Its 501(c)(3) letter is posted at
https://pglaf.org/fundraising.  Contributions to the Project Gutenberg
Literary Archive Foundation are tax deductible to the full extent
permitted by U.S. federal laws and your state's laws.

The Foundation's principal office is located at 4557 Melan Dr. S.
Fairbanks, AK, 99712., but its volunteers and employees are scattered
throughout numerous locations.  Its business office is located at
809 North 1500 West, Salt Lake City, UT 84116, (801) 596-1887, email
business@pglaf.org.  Email contact links and up to date contact
information can be found at the Foundation's web site and official
page at https://pglaf.org

For additional contact information:
     Dr. Gregory B. Newby
     Chief Executive and Director
     gbnewby@pglaf.org


Section 4.  Information about Donations to the Project Gutenberg
Literary Archive Foundation

Project Gutenberg-tm depends upon and cannot survive without wide
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increasing the number of public domain and licensed works that can be
freely distributed in machine readable form accessible by the widest
array of equipment including outdated equipment.  Many small donations
($1 to $5,000) are particularly important to maintaining tax exempt
status with the IRS.

The Foundation is committed to complying with the laws regulating
charities and charitable donations in all 50 states of the United
States.  Compliance requirements are not uniform and it takes a
considerable effort, much paperwork and many fees to meet and keep up
with these requirements.  We do not solicit donations in locations
where we have not received written confirmation of compliance.  To
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particular state visit https://pglaf.org

While we cannot and do not solicit contributions from states where we
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International donations are gratefully accepted, but we cannot make
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Please check the Project Gutenberg Web pages for current donation
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Professor Michael S. Hart was the originator of the Project Gutenberg-tm
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with anyone.  For thirty years, he produced and distributed Project
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